« Sur le fil du rasoir »

Prêt pour la soirée des Oscars ? Anne vous y transporte. Un récit fort, émouvant. Bonne lecture ! 

Sur le fil du rasoir

Je me souviens encore de ce moment intense. Je n’avais pas dormi de la nuit.

Les touches de mon Steinway pleuraient de fatigue d’avoir été tantôt heurtées, tantôt frôlées, tantôt caressées. Je n’avais pas eu pas une minute de répit et ça ne collait toujours pas. Il n’y avait pas d’émotion, tout était vide et terne. J’avais eu beau changer maintes fois d’accords, varier de quintes en octaves. Rien. Il fallait quelque chose de plus lyrique, de plus exalté. Néant. J’avais fini par me maudir. Mes doigts saignaient. Pourtant, dans ma tête filaient et redéfilaient ad libitum la scène déchirante de ce couple qui se séparait, jouée par deux monstres sacrés du cinéma que sont toujours Meryl Streep et Robert Redford.

La source s’était tarie. Il fallait se rendre à l’évidence : j’étais fini. L’aurore se profilait à travers les stores vénitiens. Dans une heure, le réalisateur m’appellerait. Il m’avait laissé pourtant une dernière chance. Alors dans une recherche inconsciente de réconfort virtuel, mes yeux se posèrent sur une vieille photo qui faisait face au piano. Celle de ma grand-mère qui avait tant bercé mon enfance. Elle me regardait. Des larmes montèrent, mes doigts comme ensorcelés s’agitèrent puis enflammèrent les touches en déversant la douleur d’un amour brisé.

Voilà , je tenais à vous raconter, ce soir, ce moment et vous dire que jamais, au grand jamais, rien n’est facile ou acquis, que tout se joue parfois sur le fil du rasoir même en plein désespoir. N’abandonnez jamais !!! L’Oscar que vous voyez est là pour le prouver. Il est pour toi, Granny !! Merci.