Un récit qui commence dans la paresse, mais qui s’accélère dès les premiers coups de sonnette ! Merci à son auteure, Anne !
Il était là
« Encore quelques minutes et je me lève !! J’ai bien le droit de traîner encore au lit. »
Je ne savais pas quelle heure il était ! Au dehors, quelques éclats de voix d’enfants qui jouaient. A quelle heure avais-je pu sombrer après ces minutes, ces heures de résistance insomniaques ? Heureusement, que c’était le début du week-end. Premier week-end d’août à occuper. Tout le monde était parti soit en vacances ou pour les deux jours. Qu’allais-je faire ?
Flâner à Paris et redécouvrir les quais de Seine, m’attarder à la terrasse d’un café et voir les touristes s’extasier ? Oui, il fallait que je décompresse et que mon cerveau se repose de ces assauts d’angoisse devant un avenir incertain. Prendre mon temps !! Ah oui, bonne idée, une petite après-midi à Paris !!!
La sonnette de la porte retentit et interrompit mes pensées de sorties.
Mince, qui est ce ? Oh non, pas envie de me lever !!! Pourtant, j’attends pas un colis ! ? Tout le monde est parti. Qui cela peut-il être ?
De nouveau, la sonnette insista. En pas plus de vingt secondes secondes, je pris mes lunettes, enfila mon jeans de la veille et un haut, au hasard, tout en imaginant la tête d’endormie que je devais avoir. J’ouvris la porte. Ce n’était pas le livreur !!
Il était là devant moi. Les années écoulées avaient marqué quelque peu son visage hâlé, mais n’avaient pas eu raison de son aura.
Il était là devant moi. Son regard toujours aussi profond et volontaire. Pas la moindre once de résignation ou de désespoir que la vie peut parfois engendrer.
Il était là devant moi. Ses cheveux longs et bruns avaient laissé place à une chevelure aux reflets argentés.
Depuis combien de temps ? Vingt, vingt-cinq, trente ans ? Tout s’entrechoquait dans ma tête, dans mon cœur, dans mon corps.
Il était là devant moi. Mes yeux embués de larmes parlèrent pour moi. Le temps s’était suspendu. Son sourire quoique teinté d’une infime tristesse illumina son visage et le mien.
Il était là devant moi, après tant d’années d’absence, de silence et de souffrance. Nos routes s’étaient séparées depuis si longtemps ; je ne savais pas ce qu ‘il était devenu, je savais juste qu’il était parti vivre à l’étranger. Je lui avais imaginé plusieurs vies toutes aussi palpitantes que trépidantes.
Et là , il était là, devant moi. Tout rejaillissait dans une fulgurance aussi enivrante que toxique. La passion vertigineuse, les bonheurs partagés, les projets avortés, l’amour effiloché, la douleur à apprivoiser.
Mais il était là devant moi. D’une voix grave et bienveillante, il dit : « Je suis venu car j’ai appris !! » Emplie de fébrilité je réussis à articuler : « Tu veux rentrer, tu veux un café ? »
En entrant dans l’appartement, il dit : « Ça n’a pas trop changé. »
Nos regards au début gênés laissèrent place progressivement à une timide complicité qui n’osait se l’avouer. Debout face à moi, il me dit : « Tu sais j’ai appris pour ta maladie. Et, je ne vais pas te laisser tomber cette fois-ci. »
Il n’y eut pas d’après-midi à Paris. Ni balade sur les quais de Seine, ce samedi. Mais café sur café, nous nous racontâmes nos vies et je sus que je pouvais désormais compter sur lui.
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