Poursuivons nos récits inspirés par « Colorama », avec celui de Carmen, particulièrement riche en couleurs qui vont sûrement illuminer votre dimanche grisounet !
Bonne lecture!
Les couleurs de l’enfance
De la baie vitrée de ma chambre au papier irisé, j’aimais guetter les premières lueurs roses du soleil levant. Je regardais s’étaler la palette pâle et emplir le ciel juste avant que celui-ci ne devienne bleu ou gris selon la saison. Je ne savais encore rien d’Homère en ce temps là, mes dix ans ne me permettaient pas de connaître ses si fameux vers épiques. Cela ne m’empêchait pas d’apprécier, ces jolis moments colorés.
De la cuisine, aux carreaux bien blancs, dont la porte entrebâillée laissait échapper des effluves de café chaud, sortait un son mélodieux. Je n’étais pas la seule à aimer l’instant magique du petit matin rosâtre. Dans une cage un peu exiguë pour lui et posée sur le rebord de la fenêtre, vivait un canari si jaune je l’ai cru peint la toute première fois que je le vis. Il embellissait la maison, autant par sa couleur soleil que par ses trilles ravissantes. Comment une si petite boule de plumes pouvait chanter aussi fort. La question me taraudait.
Ma mère n’avait guère d’attirance pour les animaux, moi c’était tout l’inverse. Cet oiseau fut la seule concession à sa règle établie une fois pour toute. Pas d’animaux à la maison.
Mon envie, le caresser tel un chat ou bien mieux encore un chien. Mes yeux noisettes en pétillaient de désir à l’idée de tenir dans ma main un petit être au cœur battant et au plumage citron. Pour l’heure le petit déjeuner retenait toute mon attention. Le chocolat couleur de châtaigne versé dans mon bol sans anse le chauffait tellement qu’il m’était impossible de le saisir sans le laisser refroidir un peu. Sa couleur devenant encore plus soutenue, m’indiquait que je pouvais m’emparer du bol sans risquer la brûlure.
Le pain avait trop grillé. Sa couleur marron, fort peu engageante, n’était pas bon signe. Ma mère le recouvrit d’une épaisse couche de confiture, histoire de masquer le goût âcre de la tartine oubliée dans le grille-pain. Bonne ou pas, il me faudrait la manger pour ne pas provoquer l’ire maternel, prompt à surgir à la première contrariété.
Les vacances d’été mettaient un coup d’arrêt aux devoirs imposés et au départ imminent après le repas matinal. NON, NON et NON je ne mettrais pas cette épouvantable robe rose bonbon !! Elle me donne l’air bête et ne sied pas à mon teint de pêche. Oh, bien sûr, je ne l’exprimais en ces termes aussi bien choisis mais je tentais, avec toute la fermeté possible pour une petite fille, de le faire comprendre à mon entourage.
Moi, j’étais bleu. Bleu jean, celui des garçons. Tee-shirt vert kaki, celui des militaires. Ainsi affublée, rien ni personne ne pouvait me résister ou se mettre en travers de mon chemin. Non mais !!! Courir, sauter, tomber et me relever. A la fin de la journée, le marron de la terre et le noir de la crasse étaient devenues mes couleurs, jusqu’à ce qu’une toilette approfondie, ne me rosisse à nouveau les joues.
Les années ont passées. En réalité, elles ont filé en douce, me laissant nostalgique, parfois mélancolique. Toutes ces touches colorées, poudrées que sont-elles devenues ? Pourquoi ai-je abandonné ces belles nuances d’avant ?
Au détour de quelques vieilles photographies surgies d’un carton perdu, je me surprends à sourire devant mon moi d’autrefois. Une robe bleu vif à pois blancs, des chaussettes peut-être jaunes, je ne distingue plus très bien, des souliers noirs au vernis brillant. Qui aurait l’idée de se colorer ainsi aujourd’hui ? Qui songerait à mêler toutes ces couleurs ?
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