Avant de partager les nouvelles policières imaginées par nos écrivants, nous souhaitons vous emmener à la rencontre de notre animateur invité : Olivier Campos qui se décrit comme un auteur, compositeur, lecteur, déclameur.
Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivé à l’animation d’ateliers d’écriture ? Et notamment sur le polar avec « 50 nuances de noir » ?
Depuis l’adolescence j’ai développé une sorte d’enthousiasme pour l’écriture que j’ai tenté de canaliser, au début et le plus souvent par l’écriture de poèmes, en participant à des fanzines lycéens, puis en m’orientant vers des études de droit, et à l’occasion de travaux salariés ; comme clerc d’avocat ou comme enseignant dans les matières de droit. C’est en découvrant les scènes slam parisiennes en 2004 que j’ai trouvé un nouveau terrain de jeu pour partager ce qui m’animait pendant toutes ces années. J’ai alors réorienté mes activités professionnelles vers la littérature en commençant par participer à plusieurs ateliers d’écriture pour apprendre le métier. J’ai mis les pieds dans des lieux de culture que je ne fréquentais pas ; comme les théâtres et les bibliothèques, j’y ai rencontré d’autres amoureux de l’écriture et de la lecture… avant que l’on me propose, il y a une dizaine d’années, d’animer un atelier… puis un autre… puis beaucoup d’autres ; dans des cadres aussi différents que des établissements scolaires, pénitentiaires, des bibliothèques, des organismes ou des services d’insertion et de retour à l’emploi, des résidences d’autonomie, ou bien encore de projets associatifs à l’occasion de festivals, d’expositions…
Selon les projets et les thèmes définis avec les partenaires, les ateliers d’écriture peuvent in fine prendre la forme de publications, de restitutions scéniques, d’expositions, d’objets rares… bref, d’instants agréables qui marquent la mémoire des participants.
« 50 nuances de noir » s’inscrit dans le cadre d’une proposition d’animation d’ateliers d’écriture à la Maison de Chateaubriand. C’est une incursion autant dans l’écriture musicale que dans le roman noir. Depuis maintenant un an, je découvre des auteurs contemporains de romans noirs (Ellroy, Hoeg…) et les classiques du genre (Hammet, Chase, Mallet…) pour offrir aux participants de mes ateliers une trame qui leur permette d’écrire une nouvelle policière.
J’ai développé, comme ça, des cycles d’ateliers d’écriture autour d’œuvres (Harris Burdick), de thèmes (La douceur, Les migrants, La récidive, Voyages…), de genre (la science fiction), d’auteurs (B. Vian), de peintres (Les impressionnistes, Van Gogh), de photographes (Doisneau, Par) en restant curieux et à l’écoute des propositions.
Qu’est-ce qu’un atelier d’écriture réussi, pour vous ?
Il y a plein de façons de réussir un atelier d’écriture. C’est un atelier au cours duquel je capte un sourire sincère sur un visage ou bien une grimace de concentration pendant le temps d’écriture. La réussite d’un atelier tient aussi dans ce silence religieux caractéristique de la grande qualité d’écoute au moment des lectures… et évidemment quand un ou plusieurs participants viennent me remercier à l’issu d’un atelier pour ce bon moment passé ensemble… un atelier est aussi réussi quand je sens que les participants ne veulent pas se quitter et que je les entends se donner rendez-vous pour le prochain atelier.
Et vous, écrivez-vous ? Quel est/quels sont vos mots préférés ? Ceux qui résonnent plus particulièrement en vous ?
A l’exaltation de l’écriture est venue se greffer une mélomanie qui aujourd’hui me fait écrire dans un autre langage que celui des mots. C’est par mimétisme ou de façon autodidacte que j’ai appris à transcrire les mélodies qui me traversent, à composer de la musique sur ordinateur (MAO), en regardant mes copains musiciens bidouiller leurs machines.
Peut-être que mon mot préféré est le mot « poésie » parce qu’il veut dire « création » et qu’il induit toutes les disciplines artistiques et les techniques d’expression. A vrai dire, j’aime beaucoup de mots pour des raisons différentes. Autant pour des sonorités curieuses (lapis- lazuli, hurluberlu…), que des orthographes bizarres ou vieillotte (clef), pour ce qu’ils signifient (compagne, compagnon : celle ou celui avec qui on partage le pain), pour leur polysémie (champ, chatte), pour les images qu’ils procurent. J’aime bien le mot « triomphe » parce qu’à l’endroit il n’a pas de rime, parce qu’il est rare, prétentieux, précieux… Mais j’aime surtout relier les mots les uns avec les autres dans le cadre de vers : « le tumulte des pluies multiplie les tulipes ». J’aime faire sonner les mots pour les interroger (la concurrence c’est la con cul rance). Et bien sûr, j’aime découvrir de nouveaux mots ; ceux de ma langue maternelle autant que ceux d’autres langues. Souvent, je prends beaucoup de plaisir à en inventer (cacapipitalisme). Cette semaine j’ai découvert le mot « pipistrelle » en me rendant compte que cela faisait bientôt un an qu’il était revenu à la mode. J’aime bien ce que l’on appelle la « langue des oiseaux ».
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets d’avenir ? L’écriture d’un livre, d’un scénario, d’une pièce de théâtre, de chansons ? Quel public rêvez-vous d’ approcher ?
Souvent, par superstition, les artistes n’aiment pas parler de leurs projets tant qu’il n’est pas présentable, c’est-à-dire en mesure d’être partagé avec le public. Aujourd’hui, je peux juste constater qu’ il y a maintenant quatre ans, j’ai entamé un cycle autour de « phares » ; en commençant par Apollinaire ; en mettant en musique, en voix, en scène une vingtaine de ses poèmes. Avec le mois d’avril 2021 arrive le bicentenaire de Charles Baudelaire. C’est l’occasion de mettre en ligne quinze chansons extraites des « Fleurs du mal ». Comme la situation sanitaire ne nous permet pas dans l’immédiat de partager sur scène ce projet, j’en profite pour avancer sur d’autres projets ; et notamment travailler à la diffusion d’une projection /lecture/ déclamation de la « Prose du transsibérien » de Blaise Cendrars avec des pellicules incroyables dégottées au service des archives militaires françaises (l’ecpad).
Quant à savoir quel public je rêve d’approcher, je dois avouer que j’ai parfois l’impression que les vivants et les morts me soufflent des mots et des notes pour celles et ceux qui viendront après nous.
Pour aller plus loin à la rencontre d’Olivier Campos