La métaphore

Pour ce nouvel atelier, Virginie nous a emmenés sur des chemins d’écriture que nous n’avions pas encore explorés. Un très beau défi !

Le sujet était « La métaphore ». 

En guise d’entrée en matière, chacun imagine une question sur un phénomène abstrait, par exemple : Qu’est-ce que le doute ? la liberté ? l’amitié ? le bonheur ? la solitude ? l’ennui ? Puis, chacun est invité à écrire une chose simple, une image, comme par exemple : la goutte d’eau dans le désert, le fauteuil bancal du cinéma, le tableau noir.

Puis, les écrivants essaient de relier leurs questions à des images proposées par d’autres. Par exemple : 

  • Qu’est-ce que le bonheur ? Une orange juteuse – La tendresse en bouche d’une viande – Un nouveau-né dans un couffin.
  • Quelle valeur pour les sentiments ? L’immensité du ciel.
  • Qu’est-ce que le don de soi ? Une chose à ne pas reprendre.
  • Qu’est-ce qu’être heureux ? Un voyage sur un arc-en-ciel permanent

L’objectif de cette mise en bouche littéraire est de montrer comment une image peut être plus parlante qu’un concept, qu’il est possible de s’éloigner des clichés et proposer des métaphores inattendues.

Le passage suivant de Alessandro Barrico de son merveilleux « Novecento : pianiste » fournit un tremplin littéraire.

« Moi, cette histoire de tableaux, ça m’a toujours fait une drôle d’impression. Ils restent accrochés pendant des années et tout à coup, sans que rien se soit passé, j’ai bien dit rien, vlam, ils tombent. (…) Pourquoi à ce moment-là et pas un autre ? On ne sait pas. Vlam. Qu’est-ce qui est arrivé à ce clou pour que tout d’un coup il décide qu’il n’en peut plus ? Aurait-il une âme, lui aussi, le pauvre malheureux ? Peut-il décider quelque chose ? Ça faisait longtemps qu’ils en parlaient, le tableau et lui, ils hésitaient encore un peu, ils en discutaient tous les soirs, depuis des années. (…) C’est une de ces choses, il faut pas trop y penser sinon tu sors de là, t’es fou. Quand le tableau se décroche. Quand tu te réveilles un matin à côté d’elle et que tu ne l’aimes plus. »

Virginie lit ensuite « La fuite », un récit qu’elle a écrit -en amont de l’atelier- selon les mêmes consignes que celles qu’elle propose aux écrivants. Premier temps d’écriture : décrire un phénomène de façon très factuelle – sans faire intervenir de personnage (exemple : un robinet qui goutte). Deuxièmement temps d’écriture : description subjective du phénomène en lui prêtant des paroles ou des sentiments (exemple : la goutte d’eau veut rejoindre la mer). Troisième temps d’écriture : faire le parallèle avec le fonctionnement de l’être humain (exemple : un migrant voulant traverser la Méditerranée). La chute révèle ce que cache la métaphore. 

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La fuite

  1. Description du phénomène (10 minutes)

Le robinet est vissé au maximum, pourtant quelques secondes après qu’il ait été refermé, l’e apparaît, se bombe sous le robinet, grossit, s’étire, puis se détache. Ploc dans le lavabo. A peine la première goutte écrasée qu’une autre prend naissance et rejoint la précédente. Ploc.

2. Description subjective (10 minutes)

L’homme ressert le robinet pensant qu’il l’a laissé ouvert, mais une troisième goutte apparaît. Ploc. Inexorablement, les gouttes vont se succéder. Ploc. L’homme ne pourra arrêter le mouvement de l’eau. Un interstice, même infime, est suffisant pour que l’eau s’y faufile. Elle est comme ça, elle déteste être enfermée ! Sa vie, c’est de s’écouler des glaciers jusqu’aux fleuves, des petits ruisseaux jusqu’aux grandes rivières. Même en ville, l’eau refuse de stagner. Lorsqu’un robinet la stoppe, elle patiente jusqu’à ce qu’une faille apparaisse. Alors, goutte après goutte, elle parvient à s’échapper. Le temps joue pour elle. Elle devra affronter les égouts mais bientôt, ce sont des dizaines, des centaines  de litres d’eau qui se jetteront dans la mer.

        3. Humanisation du phénomène (10 minutes)

Aujourd’hui, demain ou peut-être après-demain, je serai cette goutte d’eau. Depuis des mois, ils nous maintiennent enfermés dans ce camp, mais je sais qu’un jour, une faille apparaîtra. Une ouverture infime dans le grillage et je parviendrai à passer le doigt, la main. Je m’étirerai et petit à petit, mon torse et mes jambes suivront. Une fois dehors, je dévalerai le chemin, rejoindrai la route. Je courrai encore et encore. J’entendrai peut-être un autre me rejoindre. Nous partirons sur la mer. Nous serons bientôt des centaines à accéder à la liberté. Rien ne pourra nous arrêter.

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