Anne a choisi de poursuivre son récit « Terminal », imaginé lors de l’atelier « Le départ ». Retrouvez-la donc à l’aéroport ! Bonne lecture !
« Comme un avion sans elle »
Celle qui court, le visage rouge et visiblement à bout de souffle, de peur de rater le vol tant attendu, celui qui habillé d’un combo costard sneakers dernier cri regarde sur son smartphone dernier modèle les comptes de sa société, ceux qui accompagnés de chiens aux nez chercheurs déambulent le long des halls.
Celle qui à son comptoir, habillée aux couleurs de la compagnie, renseigne les voyageurs de manière aimable malgré les nuits écourtées par les pleurs de son bébé.
Celui qui venant de sa banlieue lointaine a réussi tout juste à ouvrir à l’heure le point boulangerie sans avoir eu le temps de prendre son petit déjeuner.
Celle qui trouvant son visage un peu trop pâle cherche dans son sac la poudre compacte n°5 Terre de sienne, celui qui cherchant son reflet dans une vitrine tente de dompter le léger frisottis rebelle de sa chevelure avant de retrouver son crush, ceux qui avant d’embarquer profitent d’une dégustation gratuite de prosecco, quitte à dépasser la dose prescrite !
Celle qui au comptoir d’enregistrement tente d’expliquer à une vieille dame les nouvelles procédures de sécurité.
Ceux qui sont là, sans valises et qui ne partent pas !!!
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Elle a soixante-dix ans, elle regarde son arrière-petit-fils jouer sur la plage avec son cerf-volant qui virevolte comme ses pensées. Ses cheveux ont définitivement la couleur des goëlands ; comme eux, elle voit les différents reliefs de sa vie. Elle a dix ans, elle serre contre elle la mappemonde que sa maman vient de lui acheter à la brocante annuelle du Secours Populaire. Elle a hâte de pouvoir la brancher et de voir tous les pays du monde éclairés.
Elle a quarante ans depuis hier, malgré l’annonce ce matin d’un plan social qui risque de la toucher, paradoxalement elle est rayonnante de bonheur dans ce bus silencieux qui la ramène. Elle aime de nouveau et elle est aimée !
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Tu as froid en ce dimanche de novembre, allongée sur ton lit, tu t’emmitoufles dans une seconde couverture qui te gratte la peau. Il fait trop froid dans ta chambre. Tu regardes au mur, punaisée cette carte postale de la Martinique que ton oncle préféré t’a envoyée pour tes douze ans lors d’un de ses périples .
Tu te dis qu’un jour tu aimerais bien plonger dans cette eau turquoise avec un joli maillot de bain et courir sur cette longue plage de sable blanc ;
Tu ouvres le courrier que ta mère t’a déposé sur la commode de l’entrée. Il vient du labo. Ce mot en gras : positif. Ta vie vient de basculer et tes rêves de s’envoler. Tu ne pourras jamais partir loin d’ici.
Es-tu condamnée à être un oiseau sans aile ? A défaut d’oiseau, ce sera les avions avec ou sans aile, n’est-ce pas Charlélie ?
Tu viens d’avoir la réponse après quelques jours d’angoisse et d’attente,oui !
C’est bon, tu es embauchée à ….Air Caraïbes ! Tu commences lundi !!
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