C’est d’une personnalité connue, la chanteuse Dalida, dont se souvient Carole. Un récit touchant, riche en émotions sur le lien mère-fille. Bonne lecture !
L’annonce
Je me souviens de l’annonce de la mort de Dalida. C’était le début du mois mai 1987, un dimanche après-midi. Avec le décalage horaire, il devait être treize heures chez moi et environ 7 heures du matin à Paris. La station Europe 1 avait interrompu ses programmes et annonçait la nouvelle en boucle.
Je ne compris pas tout de suite ce qui se passait.
Je jouais à la maîtresse d’école avec mes poupées dans ma chambre. Je les avais installées devant moi, par terre ; et les faisais répéter la conjugaison du verbe avoir au présent. Elles étaient attentives et concentrées. La porte était entrebâillée, de sorte que je pouvais entendre ce qui se passait dans la maison. Mon frère lui, jouait avec ses petites voitures, tandis que mon père et ma mère terminaient leur digestion dehors, avachis sur des chaises longues.
Il faisait chaud dehors, mais notre maison située côté ouest était protégée des températures caniculaires de l’après-midi. Ma mère se leva et se dirigea pour se servirdes glaçons dans la cuisine. La radio, posée sur le buffet, était restée allumée après le journal de treize heures. Lorsque ma mère entra dans le salon, elle entendit les hommages à Dalida. Elle prit aussitôt la mesure de l’information. Elle poussa un cri qui me fit sursauter.
– « Non ! C’est pas vrai ! »
J’interrompis tout de suite mon activité, et je tournai mon regard vers le salon. Je la voyais de dos, elle s’était rapprochée du transistor comme pour mieux entendre les mots du journaliste. Elle se mit à parler fort, alors qu’il n’y avait personne d’autre dans la pièce.
– « Mais c’est pas vrai !! », continua-t-elle.
J’interrompis mon jeu, et me dirigeai vers elle. Elle avait le visage marqué des mauvais jours. Sa bouche tombait ers le bas. Elle humecta ses lèvres nerveusement lorsqu’elle me vit me rapprocher d’elle.
A la radio, des auditeurs présentaient leurs condoléances à la famille, et regrettaient la disparition de Dalida. Certains allaient jusqu’à dire qu’ils avaient perdu un membre de leur famille. Je trouvais ces témoignages étonnants. Je compris que ma mère était émue, alors je me rapprochai d’elle et je la pris par la taille. Elle ne disait rien. Elle semblait ailleurs, happée par la tristesse de ses émotions.
Je la regardais avec peine, et je sentais le souffle de sa respiration sur mon visage. Elle repassa sa langue sur ses lèvres, et fixa le mur longuement. Elle était dans ses pensées, je ne voulais pas la déranger.
C’était l’année de mes huit ans, j’étais une petite fille insouciante, dont la seule préoccupation était de jouer. C’était la première fois que je voyais ma mère aussi triste. Elle retourna sur le balcon annoncer la nouvelle à mon père.
Cet événement me fit perdre mon insouciance et changea quelque peu l’humeur de ma mère : elle resta triste, très longtemps après. Moi, je compris que ceux qu’on aime pouvaient partir, à tout moment, subitement. Et par là même, que mes parents n’étaient pas immortels.
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