« Le baiser de Judas »

Pour son récit « Mensonge », Carmen va vous faire lentement cheminer jusque vers la chute pour le moins surprenante. Bonne lecture ! 

Le baiser de Judas

Il descendit l’avenue Georges V. Depuis longtemps, il avait ses habitudes au Four Seasons, un lounge classieux, discret et avant tout chic. Sans aucun doute l’un des plus beaux endroits de Paris. Le bar de l’hôtel figurait parmi ses lieux de rendez-vous favoris. Lors d’une première fois, faire forte impression d’emblée est nécessaire, avant d’envisager un second rencard. Il se devait donc de tout miser sur cette soirée qu’il désirait exceptionnelle.

Il avait revêtu un complet de laine bleu foncé griffé Gucci. Il n’y avait rien à redire, seuls les créateurs italiens savent procurer un tel charme à un homme. Ses Weston Richelieu claquaient sur l’asphalte de cette avenue prisée des touristes venus goûter le luxe à la française.

Un groom s’écarta avec déférence pour le laisser passer. Avec élégance, l’homme ajusta ses boutons de manchette en or. La classe se cache dans les plus petits détails que l’on donne à voir. La cinquantaine assumée, dégageant un parfum de musc, les femmes se retournaient volontiers sur son passage. Dans son dos, il pouvait entendre des murmures, des rires étouffés et il aimait ça attirer les regards, provoquer le désir chez la gent féminine. Il se savait bel homme et en jouait sans aucun complexe.

– Bonsoir !

Il avait quelques minutes de retard. En vérité, cela faisait partie de son rituel. Laissez l’autre arriver à l’heure, s’installer dans un des salons feutrés, et faire monter la pression. Lui resterait d’un calme olympien, sachant qu’ainsi il maitrisait la situation. D’un rapide regard alentour, il put la voir lovée dans un de ces confortables fauteuils club au cuir volontairement craquelé. Elle avait l’allure d’une panthère, la grâce d’une gazelle, un regard d’animal. A son cou, un collier alliant perles et émeraudes rehaussait la beauté de sa gorge. Il s’arrêta une seconde pour savourer sa future conquête. Elle était assurément son pendant féminin. Mais il fut également quelque peu bousculé par cette femme mettant en émoi tous ses sens. Au fond de lui des sentiments contradictoires se faisaient la guerre pour prendre possession d’un homme en proie à un doute auquel il ne s’attendait pas. Il ferma les yeux l’espace d’une seconde, respira profondément.

Elle leva les yeux vers l’homme qui venait de la saluer d’une voix douce, chaude, envoûtante. Elle sourit et tendit sa main pour qu’il s’en saisisse. Elle ne semblait pas déçue, au contraire. Le charme opérait et l’alchimie palpable. Avant de prendre place face à son « date », Il leva le bras pour s’attribuer les services du maître d’hôtel. Sûr de lui et de ses choix, il commanda pour deux une bouteille de Ruinart millésimée. Rien ne lui semblait trop beau pour cette soirée de toutes les espérances. Le champagne étincelait dans les coupes de cristal qu’ils portèrent à leurs lèvres gourmandes. Imperceptiblement ils se frôlèrent les genoux, les corps se rapprochaient. Une tension sensuelle se faisait sentir. Sans pratiquement se parler ils échangèrent de leurs regards envoutés. Puis, de concert, ils se levèrent et une chambre fut prise.

A l’aube, l’exaltation des chairs cessa lorsque, vaincu par leurs ardeurs, ils s’endormirent l’un contre l’autre. La nuit avait tenu ses promesses, le lit fut champ de bataille charnel.

Mais l’un des deux ne dormait pas. Doucement, pour ne pas réveiller sa maîtresse, il repoussa son bras afin de pouvoir se lever. Dans un coin de la chambre en désordre, il entreprit de se rhabiller. Puis avec soin, il commença à fouiller dans les vêtements éparpillés de la belle endormie. Un sourire de satisfaction sur le visage quand il finit par mettre la main sur ce qu’il était vraiment venu chercher. Ce collier à la valeur inestimable allait lui permettre de terminer sa carrière de cambrioleur de haut vol en beauté. Un point d’orgue sur des années parfois fructueuses, parfois moins heureuses. La captivité il l’avait déjà goûté et pour rien au monde il ne pouvait l’envisager à nouveau. Désormais il allait pouvoir prendre sa retraite au soleil des Bahamas. Mais tandis qu’il savourait sa prise, il n’entendît pas que sa compagne de la nuit ne dormait pas non plus. Il le sut bien trop tard, quand il sentit dans son dos, le canon d’une arme.

– Police !

Il venait de réaliser qu’au jeu du chat et de la souris, il était le grand perdant. Que la proie qu’il croyait chasser le tenait au bout de son sig sauer. Flic versus voleur. Le casse du siècle ne sera qu’un lamentable échec. Tout était perdu pour lui. Retour à la case prison.

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