Nathalie a choisi de détourner un titre célèbre pour vous inviter à la lecture de son récit, tout en douceur. Bonne lecture !
La vie devant lui
Rien n’était prévu ce mardi soir, peu avant l’heure de fermeture de la médiathèque. Assis côte à côte à l’espace multimédias, tu t’aperçois que mon poste informatique ne se connecte pas. L’agent d’accueil étant déjà occupé par un autre usager, tu t’es tourné vers moi. Les yeux souriants, tu m’as proposé ton aide. Le dysfonctionnement n’a pu être résolu.
Pendant cette attente, tu avais également besoin qu’une inconnue relise ta lettre de motivation pour intégrer une formation en interne d’infirmier : Cela juste pour te rassurer.
Après la fermeture, nous nous sommes retrouvés par un froid glacial sur le parvis. Eclairés par ton portable, nous avons essayé de finaliser au mieux ton courrier. L’enjeu était important. Tu devais le présenter, dès le lendemain matin, pour l’obtention de cette formation qui te tenait à cœur. Tu avais l’air content que je prenne un petit temps. Moi, j’étais gêné car je voyais que mon aide était dérisoire comparée à l’enjeu de ton avenir. Je sentais ta détermination à vouloir aider les personnes aussi bien dans ta vie professionnelle que personnelle.
Dès tes 18 ans, tu avais occupé un travail d’aide à la personne, puis intégré par concours un poste d’aide soignant à l’hôpital. À 25 ans, ton regard et ton sourire à distance pour me préserver de la pandémie en disait long sur ton parcours de vie.
J’avais compris dès notre premier échange, que tu te sentais différent dans cette vie. Le rejet de ta famille lié à ton homosexualité et de certaines personnes que tu côtoyais, m’a touché et inquiété pour ta stabilité émotionnelle. Tu m’as beaucoup trop remercié, comparé à l’aide que tu apportes chaque jour dans ton métier auprès des patients et des personnes qui te comprennent et t’acceptent.
« L’anormalité » serait dans l’eugénisme et non dans la façon dont tu veux vivre ta vie. Pourtant, tu n’étais pas encore né en 1990, lorsque l’homosexualité a été supprimée par l’OMS des manuels de psychiatrie comme maladie mentale.
Tes parents, certainement par peur d’être jugés, t’ont rejeté. On ne choisit pas sa famille. J’ai compris que ce manque était un tatouage indélébile. Ton bonheur est précieux. Nous n’avons échangé que nos prénoms et des sourires qui en disaient long. Car tu avais certainement ressenti les cicatrices des fêlures de ma vie.
Ta silhouette s’est estompée dans ce brouillard glacial de ce mois de janvier dans l’avenue Gabriel Péri, qui restera, je l’espère, un symbole de liberté pour ton avenir.
Votre commentaire