« A la mort, à la vie ! »

Dernier récit sur la proposition d’écriture « Prise de risque ». Adélaïde vous réserve une histoire pleine de douceur ! Bonne lecture !

A la mort, à la vie !

Louise descendait doucement les marches lui donnant l’occasion de la rejoindre. Il était toujours comme ça, loin derrière à rattraper son retard. Elle poussa la porte vitrée et la maintint pour lui permettre de passer. Leur regard se croisa, un sourire s’échangea.

– Alors tu en as pensé quoi ?

– Incroyable.

– C’est tout ? insista-t-il.

– Oui, pour le moment. Avec certains films, il me faut du temps pour pouvoir les analyser. Là, je ressens juste.

Il la regarda un instant en hochant la tête, et puis il se mit à décrire ce que lui avait pensé du film. Ses yeux pétillaient et elle se força à observer la rue pour ne pas le fixer avec insistance. Les voitures défilaient sur le boulevard, les enseignes lumineuses coloraient la ville de bleus et de rouges. Il y en avait tellement que la nuit était effacée.

Elle continua à l’écouter d’une oreille, mais son esprit vagabondait ailleurs. Elle repensa aux paroles de Manon : « Pourquoi tu te lances pas ? Qu’est-ce que tu risques exactement ? Fais la liste et vois si ça veut le coup ! » Alors, elle avait fait la liste. Et elle s’était dit que ça valait le coup. Ça fonctionnait bien dans sa tête, tant qu’elle n’était pas face à lui. Mais maintenant les promesses qu’elle s’était faites se dissolvaient sous les gouttes de pluies qui commençaient à tomber.

Ils firent quelques pas pour s’abriter sous la devanture du cinéma. Elle relança la conversation sur le jeu des acteurs. Elle aimait son énergie quand il parlait, la manière dont il expliquait avec ses mains. Et toujours ces yeux verts qui pétillaient de joie, de vie. Elle avait envie d’embrasser cette vie. Elle se voyait le faire, s’approcher, se mettre sur la pointe des pieds, le surprendre, attendre sa réaction.

Pourtant son corps refusait de bouger. Et sa liste défilait devant ses yeux :

– Elle ne l’intéresse pas

– Elle perd une belle amitié

– L’ambiance de travail devient gênante

– Elle a honte de s’être fait des idées 

– Elle reste seule et triste

– Elle n’arrive pas à passer à autre chose

Et alors que la liste s’allongeait à chaque pensée, elle sentait son cerveau rétrécir, l’émotion l’envahir. Elle ne pouvait plus réfléchir. Elle savait que ça n’était qu’un petit geste. Mais il pouvait définir son avenir. Avec lui, elle imaginait son futur, des années de joie et d’humour qui cheminent, des projets qui s’accomplissent. Et voir tous ses rêves retenus par cet instant, ce rapprochement était insoutenable. Elle ne trouvait plus la distance, la mesure. Il n’y avait plus que la peur, la panique, l’affolement qui se heurtaient contre son crâne. Elle craignait que toutes ces belles images dans sa tête disparaissent face à la réalité.

Alors qu’ils se décidaient à avancer vers à métro, encore une fois elle renonça. Elle se trouva une excuse, ça serait pour la prochaine fois. Ou bien une raison, après tout lui non plus n’avait rien tenté. C’était qu’il n’était pas intéressé.

Ils descendaient les marches épaule contre épaule pour faire de la place à ceux qui montaient. Ce simple contact innocent réveilla en elle une envie, qu’elle réprima aussitôt. La lumière blanche du  métro fit ressortir ses taches de rousseur. Louise avait envie de les effleurer. Elle croisa à nouveau ses yeux verts et admira son sourire qui étirait tout son visage. Elle y lut un peu de timidité mais surtout des promesses.

Sur un coup de tête, elle choisit la vie, et la mort. La mort de son imaginaire qui se confrontait à la réalité de la vie. Enfin.

Elle s’approcha à quelques millimètres, caressa sa mâchoire et en même temps appliqua ses lèvres sur les siennes chaudes et fermes. Elle les sentit bouger, chercher sa bouche, donner de la profondeur à ce baiser. Et par ce simple mouvement, elle sut qu’il ressentait la même chose. Qu’il avait eu peur comme elle.

Elle avait hâte de passer les années suivantes à lui rappeler qu’elle avait fait le premier pas.