C’est un récit à la fois doux et fort que vous propose aujourd’hui Adélaïde. Bonne lecture !
Chercher les éclairs
Un grondement fait trembler les murs, et dans la foulée, des gouttes martèlent le velux. Lucy soupire. Enfin. Elle se lève tranquillement, met un pull léger sur ses épaules, descend les escaliers en bois qui sentent la cire, puis va se poser sur le fauteuil olive en face de la fenêtre. Face à elle, une vaste plaine noire, et l’ombre de quelques arbres qui jouent avec le vent. Un éclair déchire la nuit. Et Lucy compte : un, deux, trois, quatre. Boum ! L’orage se rapproche. Lucy laisse le son grave rouler jusqu’à elle et l’envahir. Puis elle attend le prochain éclair. À chaque coup de tonnerre, l’atmosphère s’allège. Elle respire mieux, la langueur qui l’avait empêchée de s’endormir dans son lit quitte ses épaules.
Les temps orageux l’avaient toujours maintenue éveillée. Ils la laissaient dans un état d’excitation, d’énervement même. Elle sentait l’électricité la parcourir, elle avait envie de bouger, de courir. Et en même temps une lourdeur, une chape de plomb chaud et humide l‘immobilisait fermement. Alors elle avait pris l’habitude d’attendre le début de l’orage, et d’aller le contempler.
Pourtant elle sait que cette fois-ci l’orage passé, elle ne s’endormira pas. Dans son fauteuil vert, elle remonte ses genoux, qu’elle enserre de ses bras musclés. Un câlin pour elle-même. Pour se rassurer. L’immensité sombre qui de coutume la rassure, la fait se sentir particulièrement seule aujourd’hui ; et quelque part, elle adore ce sentiment. Ça veut dire qu’elle n’est pas avec lui. Ça veut dire qu’elle existe pour elle-même et pas pour lui.
Sa propre solitude la rend triste, lui laisse comme un trou dans la poitrine. Mais sa solitude la rend forte aussi. Face à elle-même, elle ne s’éparpille plus pour plaire aux autres.
Lucy resserre un peu plus sa prise autour de ses genoux et continue sa recherche du prochain flash lumineux. Elle le voit déformé par la pluie qui dégouline sur les carreaux. Elle espère que l’orage ne s’arrêtera jamais.
***
Lucy a les yeux qui piquent. L’orage s’en est allé, pas l’averse.
Elle commence à percevoir les couleurs des arbres, et au loin l’horizon ne se perd plus dans des nuances de noir. Pourtant avec la pluie et les nuages, la plaine garde une teinte morne d’un gris maronnasse. Lucy ne se sent plus forte, juste seule et fatiguée. Elle hésite entre rejoindre son lit ou bien l’appeler pour qu’il lui tienne compagnie. Elle ferme les yeux brièvement et imprimé sur sa rétine, s’illumine un éclair. Alors elle se lève, remonte les escaliers, s’enroule dans sa couette, et laisse chaque goutte de pluie chantonner pour l’endormir.
Enfin inconsciente, elle ne voit pas les champs inondés qui sèche avec les premiers rayons du soleil, ni n’entend son téléphone sonner à la recherche de sa compagnie.
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